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13 févr. 2024

Faire semblant d'honorer la mémoire de Robert Badinter alors qu'on remet en cause le droit du sol, sous les applaudissements de la droite et de l'extrême droite : aucun reniement ne fait  désormais peur aux prétendus défenseurs d'une république que les mêmes déshonorent tous les jours. 

25 janv. 2024

Mohamed Mbougar Sarr et la centrale de tri

Il faut lire, publié ce jour sur le site Mediapart, le beau texte de l'écrivain  Mohamed Mbougar Sarr, « Loi immigration, la centrale du tri » Il rappelle à raison le fait que "les législations sur les étrangers sont toujours des galops d’essai politiques, des laboratoires.". Et il nous encourage à l'action contre cette loi hideuse :

"Alors, que faire ? tout ce qu’on a toujours fait dans ces circonstances, qui n’est pas grand-chose et qui est déjà beaucoup : dire non, marcher, écrire, protester, se réunir, parler, se parler, refuser d’être plus atomisés qu’on l’est déjà".

23 janv. 2024

Marcel et Laure, pour l'éternité

Laure Murat, dans Proust, roman familial, paru chez Robert Laffont en 2023, invente avec bonheur un nouveau genre, que l'on pourrait nommer - si ce n'était pas un peu pédant - l'allo-autobiographie. Elle réussit en effet à approfondir notre connaissance de l'oeuvre de Proust, mais aussi celle de l'homme Proust (les pages consacrées à sa fréquentation des bordels par exemple), tout en retraçant son propre parcours, personnel et familial, avec en particulier l'histoire de sa rupture avec sa mère et avec son milieu social aristocratique. En retrouvant les connexions entre les personnages de la Recherche et ceux qui peuplent sa propre généalogie, elle règle son compte avec lucidité, à la médiocrité que dissimule l'habitus de son milieu, Marcel Proust, révélation de sa jeuneusse, lui sert ainsi de révélateur d'elle-même, au sens quasi chimique du terme. 

26 sept. 2022

Post-fasciste ? Késako

On nous dit que Giorgia Meloni, la présidente de Fratelli d’Italia (FDI) est "post-fasciste". Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Qu'elle n'entre pas dans le créneau historique dûment estampillé fasciste en Italie (de 1922 à 1945)? Mais on sait qu'après, il y a eu des mouvement "néo-fascistes" en Italie (MSI entre autres). Le remplacement de "néo" par "post" est symptômatique. De même que les postmodernes ne sont pas vraiment modernes, les post-fascistes ne seraient pas vraiment fascistes. Ce serait une sorte de fascisme édulcoré, qui n'inquiète plus grand monde. Ce matin, le journal de 7h sur France Inter n'a même pas mis en premier titre la victoire des Fratelli d'Italia. Il est vrai que l'originalité des "post-fascistes" serait qu'ils acceptent de s'allier avec des partis de la droite "traditionnelle": on peut s'interroger sur ce que veut dire droite traditionnelle quand il s'agit de la Forza Italia de Berlusconi et de la Ligue de Salvini. Le post-fascisme est donc un fascisme plus opportuniste, parce qu'il sait s'allier avec d'autres branches de l'extrême droite. C'est rassurant.

15 nov. 2021

On n'est pas con par hasard

Eric Ciotti sur Europe 1  :  "On ne peut pas devenir français par hasard". Mais si bien sûr, Eric Ciotti, on est humain par hasard, français, chinois ou turc par hasard. On se rencontre aussi par hasard, comme le rappelle Diderot, dans l'incipit de Jacques le fataliste. Peut-être même qu'on devient con par hasard, mais il y a sans doute aussi de bonnes raisons pour cela : la démagogie électorale, la peur de l'autre, le refus de voir qu'à l'heure où l'humanité est en péril, il est préférable de dépasser ces questions étriquées d'identité. 

 

18 août 2021

Agnès Desarthe et son moi

Qu'elle est belle la remarque d'Agnès Desarthe dans l'entretien qu'elle vient de donner à Télérama ! A Marine Landrot, qui lui demande pourquoi elle ne pratique pas l'autofiction :

"Mais on est déjà tellement tout le temps soi, c’en est assourdissant ! J’ai une vraie passion pour l’effacement dans le travail. D’où mon goût pour la traduction, que je résume par ce slogan : « Un mois de vacances, vacances du moi ! » Quand on traduit, l’ego n’est pas engagé. On est un outil et c’est exaltant.

Comme n’importe quel moi, mon moi a beaucoup d’exigences, beaucoup de désir. Il geint, il réclame plus d’attention, plus d’argent. Il est avide, il est affolé. Il veut être rassuré, il veut être aimé. Dès qu’il surgit, j’ai envie de lui dire : « Écoute, tu t’assois, tu prends un puzzle, tu te calmes et tu n’interviens plus ! » La littérature est trop considérable pour la laisser entre les mains de cet enfant capricieux".

28 juin 2021

L'immoraliste

"Relu L'immoraliste, d'André Gide que j'avais lu à l'adolescence. Même sensation de malaise pour ce style à la fois lyrique et contourné, cette euphémisation permanente des relations sexuelles homosexuelles du héros (certes imposée par l'époque), sa fausse  culpabilité  à l'égard de sa femme, son narcissisme. La forme emprunte le schéma classique d'un récit fait par le narrateur (Michel) qui se confie à quelques amis proches. Le point que je n'avais pas vu lors de ma première lecture est la dimension sociale et coloniale du récit, son orientalisme tout comme la vision du monde paysan lors du retour à la propriété familiale. Guillaume Bridet, prolongeant les remarques formulées par Edward W. Said dans Culture et impérialisme, traite le sujet dans un article passionnant, dont j'extrais quelques remarques qui me semblent particulièrement justes : 

 

"Si L’Immoraliste peut à juste titre être considéré comme un roman d’initiation pédérastique écrit à mots couverts, il est aussi un roman réaliste qui met en scène très précisément le contexte à la fois social et colonial de cette émancipation par rapport à la norme hétérosexuelle. (...) Or, c’est précisément durant ses vacances en Tunisie et en Algérie, c’est-à-dire dans ces territoires arabes colonisés qui sont pour lui un espace de loisir, que le personnage de Michel quitte la sphère de la pure intellectualité et accède à une labilité désirante d’une extrême intensité. Suivant le schéma assez nettement identifiable d’une initiation – ici inspirée à la fois de Whitman et de Nietzsche, et censée donc révéler « l’être authentique, le “vieil homme” » –, il passe d’un état premier aliéné à un moment de crise, puis à une révélation qui le conduit finalement vers la libération échevelée." (...)

1 avril 2021

François Récanati

France Culture diffuse la leçon inaugurale au Collège de France de François Récanati, dans le cadre de la chaire "Philosophie du langage et de l'esprit".  Elle a été donnée le 19 décembre 2019 : si proche et déjà si loin. On ne peut être qu'ébloui par la capacité de synthèse, l'intelligence et la clarté du bonhomme qui réussit en une heure à rendre compte sans simplisme des évolutions complexes de la branche analytique de la philosophie du langage, en lien avec les apports de la logique formelle, de la sémantique, de la pragmatique, des sciences cognitives et de la théorie de l'esprit.  Tout cela sans gommer les aspérités, les difficultés, et même en montrant sur quel point on pourrait être (un peu) en désaccord avec lui, par exemple quand il développe la conception contextualiste radicale ou lorsqu'il insiste sur les différents types de "contenus". Elégance suprême, le bel hommage final à Emile Benveniste. Le cours est disponible sur le site du collège de France et va aussi être diffusé sur France Culture. Il va falloir écouter la suite !

 

 

16 mars 2021

Irresponsables

Des millions de gens vaccinés avec AstraZeneca , la Grande Bretagne sur la voie de la sortie de crise ... L'Europe se paie le luxe d'avoir des états d'âme alors qu'elle manque de doses. Résultat : les antivaccins se frottent les mains et la confiance est complètement atteinte, ce qui va encore ralentir une vaccination déjà trop lente. Tout cela pour quelques rares cas, dont il n'est même pas prouvé qu'ils sont liés au vaccin. Pendant ce temps les hôpitaux de l'Ile de France et d'une bonne partie de la France sont submergés. Les centaines de morts du Covid non vaccinés seront les vrais effets secondaires de cette crise, et les responsables politiques d'Allemagne, d'Italie, de France, d'Espagne ... devront en payer le prix.

8 mars 2019

Sophismes

La Haut-commissaire au droits de l'homme à l'ONU a osé rappeler la France qu'il fallait user de la force avec discernement et modération dans les manifestations. Que n'avait-elle fait ! Quoi, on nous donne des leçons ? Nous, le pays des droits de l'homme ? Et d'ailleurs, d'où elle vient, cette Michelle Bachelet ? Le premier ministre a été le premier à utiliser un argument plutôt curieux :  la France étant un état de droit, il n'est pas possible de parler de violences. Et Macon, interrogé répond de même : "Ne parlez pas de répression et de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit». Oui, un état de droit doit rendre possible de poursuivre les auteurs de violences (qu'elles soient le fait des manifestants ou de la police). Pour cela, il faut pouvoir les nommer. Décreter que l'on ne peut parler de violences inadmissibles dans un état de droit, c'est imaginer que le droit règne à travers cette seule qualité autoproclamée. Dans un état de droit, le droit n'est pas une idée platonicienne. C'est un combat, qu'il faut mener sans cesse pour que les faits correspondent aux principes. 

7 févr. 2019

Une loi scélérate

Malgré l’abstention de cinquante députés En marche (dont pas un n'a été assez courageux pour voter contre), le texte de la nouvelle loi a été adopté par l’Assemblée en première lecture mardi. Cette loi prétendument anticasseurs est une nouvelle atteinte grave à la liberté d'expression, et un pas de plus vers l'empiètement  du pouvoir administratif sur le judiciaire. Ironie, c'est la loi qui le permet. Les lois sont les outils de la démocratie, et doivent être proposées avec discernement. En l'occurrence, celle-ci détricote un peu plus nos libertés.

2 déc. 2018

Les gilets jaunes

Je n'ai rien à dire sur les gilets jaunes qui n'ait déjà été dit et écrit mille fois, sur ce que ce mouvement hors norme traduit d'exaspération et d'incompréhension entre la classe dirigeante et les couches populaires. La situation est trop grave pour que l'on ait envie de faire de l'humour. Je n'ai pu m'empêcher de penser, cependant,  à cette revalorisation intattendue de la couleur jaune, dans la lutte sociale. D'après le Dictionnaire historique de la langue française, " c'est une opposition à rouge qui a fait appeler syndicats jaunes les syndicats créés en 1899 pour agir en collaboration avec les classes dirigeantes, leur emblème étant un brin de genêt et un gland jaune ". Par extension, l'adjectif substantivé (un jaune) renvoie à un travailleur refusant de prendre part à un mouvement de grève, considéré alors comme un briseur de grève. De manière générale, le jaune est plutôt associé à des référents négatifs, en particulier à la maladie (la jaunisse), la fièvre jaune; et lorsqu'on rit jaune, c'est qu'on ne rit pas vraiment. Mais il y a quand même le maillot jaune, que porte le coureur classé premier dans le Tour de France. Et le gilet permet lui aussi de neutraliser la charge négative du jaune : le gilet jaune, ce n'est pas le gilet que portent les hommes élégants. L'attribut a une double valeur symbolique : c'est celui que portent les ouvriers sur les chantiers, ou sur les routes, pour qu'on puisse les repérer et éviter de les écraser. C'est surtout celui qui se trouve au fond de nos voitures, et que l'on est censé revêtir en cas d'accident. Revêtir un gilet jaune, c'est montrer à la fois (comme dirait l'autre) que l'on est automobiliste, et en panne. D'où sa capacité à servir de signe de reconnaissance à tous les cabossés de la vie, tout en continuant à représenter la force, le travail et la vie économique. Avec une symbolique aussi forte, qui résulte aussi de politiques qui n'ont fait qu'aggraver les clivages et les injustices de la société française, un tel mouvement va être difficile à arrêter. 

13 juin 2018

La barbarie

 

" Pour moi, le barbare n’est pas ce qui est étranger à une culture, une civilisation, une vision du monde, c’est ce qui est étranger à l’effort que nous devons fournir en nous-mêmes pour être mieux humain. L’inhumain fait partie de l’humain, c’est une violence reptilienne qui nous habite et que nous devons juguler en permanence. La barbarie comme je l’entends et comme je crois qu’elle existe, fait partie du « deshumain »." Patrick Chamoiseau,  à propos de la réédition en poche (dans la collection Points) de Frères Migrants. Entretien en ligne sur le site Diakritik

 

Je relis mon billet appelant à voter Macron plutôt que Marine Le Pen avant le deuxième tour de la présidentielle : "Pensez à la peur qui saisira tous ceux qui risquent le renvoi aux frontières ou l'exclusion."  Macron n'est pas Le Pen. Mais la peur est là, la haine et l'indifférence aussi. La lâcheté de la France qui s'est tue au moment où il fallait trouver une solution pour l'Aquarius est une tâche de honte indélébile, qui souillera tout ce quinquennat.

 

 

 

 

15 févr. 2018

La formulation des évidences

Lu dans le Canard Enchaîné, daté du 14 février, cette brève qui montre bien comment une même évidence, "statistique et sociale" comme dit le Canard, peut se traduire différemment selon l'orientation des journaux. Alors que L'Humanité écrit, à partir d'une enquête INSEE  : "les riches vivent treize ans de plus que les pauvres", le Figaro titre "les plus aisés ont une meilleure espérance de vie". Tout scandale est effacé dans la seconde formulation : on n'a affaire qu' au terme d'un continuum social ("les plus aisés") et non plus un clivage (les pauvres vs les riches); la précision sinistre du différenciel de durée de vie est occultée ("treize ans") au profit d'une expression moins inquiétante (le fait que les plus aisés qui ont "une meilleure espérance de vie"). Peut peut-être fournir un  bon exemple  à proposer à ceux qui pensent encore que la dénomination et la catégorisation sont des opérations innocentes et transparentes, et que la sémantique n'est qu'une opération superficielle d'habillage des contenus...

 

 

14 août 2017

La correspondance Chardonne-Morand

Continuant mes lectures précédentes, je me suis plongé dans l'énorme correspondance échangée par Morand et Chardonne à partir de 1949. Le premier tome s'arrête à 1960. Nos deux compères vychissois pas du tout repentis - même s'ils évoquent très peu directement la période de la collaboration et enveloppent savamment leurs activités d'alors dans de  hautes généralités - racontent leurs petites aventures personnelles, mais font surtout un tableau saisissant de la vie et des moeurs littéraires de l'après guerre, avec l'arrivée de Sagan, tantôt éreintée, tantôt ménagée, Bernard Franck, Jacques Laurent (qui écrit si platement, mais heureusement, il défend nos idées ...), bien d'autres, dont Nimier, encore jeune, qui a droit parfois lui aussi à son coup de griffe, même s'il est souvent défendu.  L'Express est l'abomination de l'abomination, mais on condescend à y donner un entretien. Le journal Rivarol est cité copieusement, ainsi que la revue Arts. Chardonne est souvent flagorneur, Morand plus intéressant, il donne à voir les détails. Voici un fragment de la lettre à Céline, recopiée en PS pour Chardonne :  « Je suis loin de partager vos idées sur Sigmaringen et autres, mais vous me répondriez : “Du haut de votre Sirius helvétique cela se voyait autrement ; comme vous me diriez, en juin 44, vous autres diplomates, vous faites toujours votre plein d’essence à temps, vous en souvient-il ?” Il faudra en reparler. J’ai mille questions, sans réponse jusqu’à présent, à vous poser. Sachez que je ne vous ai pas négligé. Ici, aux heures noires, vous faisiez partie de notre légende ; très près de vous, même pendant l’épreuve danoise ». Instructif.

 

14 août 2017

Hécate et ses chiens

Pour poursuivre ma plongée dans l'imaginaire des auteurs vichistes, j'ai lu le Hécate et ses chiens de Morand, dont le décor est Tanger (la ville n'est pas nommée). Troublant et intéressant, en raison de l'ambiguïté, maintenue jusqu'à la fin, sur la névrose érotique du personnage de Clotilde, vue à travers les yeux du narrateur, dont on ne sait pas si elle rêve ou réalise des fantasmes pédophiles. Le plus étrange dans ce roman est la manière dont le narrateur, voulant comprendre Clotilde, finit par réaliser lui-même très explicitement (sans que rien ne soit décrit) ces fantasmes. Mais  un passage comme celui semble justifier directement ses dérèglements en prêtant, selon un mécanisme bien connu, ses pulsions aux victimes  : « Désordre dont les enfants sont d’autant moins exclus qu’ils sont plus près que nous du péché originel. À les fréquenter, je commençais à les comprendre ; je les examinais à nu pour la première fois, ces petits Arabes, Juifs, ou même Européens, que j’amenais chez moi, et c’est à leur école que j’apprenais le vice. Ils en savaient beaucoup plus long que moi. Beaux ou laids, c’étaient d’autres nous-mêmes, en réduction pour la taille, mais non pour les passions, sauvages subtils et sensuels, vieux monstres aux haines rusées, de cent coudées au-dessus de nous dans l’expérience du mal.  » Le narrateur n'est pas l'auteur, etc. Et la fiction reste de la fiction. N'empêche, j'ai du mal.

14 août 2017

Une époque disparue ?

Je ne sais pourquoi, j'ai eu envie de me plonger dans la littérature des écrivains fascistes (Rebatet) ou vychistes (Morand, Chardonne). Peut-être pour tenter de comprendre l'époque, et approcher un peu l'imaginaire sur lequel se fonde l'extrêmisme de droite, quand bien même s'habille-t-il, comme dans le cas de Chardonne et Morand, d'habits fort policés ( l'habit vert des académiciens pour le second). Le premier tome des Décombres des Rebatet m'est vite tombé des mains (si je puis dire, étant donné que je le lis en ebook), tant il exhale la haine et l'antisémitisme. Les pages consacrées au renouveau du journal Je suis partout, renouveau auquel il a largement contribué, sont  édifiantes, comme en témoigne cette métaphore biologique, qui présente ainsi la "bande" des rédacteurs  du journal : « La petite bande de Je Suis Partout était dans la nation une des rares cellules saines et vigoureuses, et capables de lutter contre le bacille. Ces mois de 1936 et de 1937 auront été pour nous l’âge d’or de l’invective »Je ne sais pas si j'y reviendrai. J'essaierai peut-être plutôt son roman, Les deux étendards, loué par Camus. 

1 mai 2017

Dire non à la haine et à la xénophobie

Dans mon cercle de proches, beaucoup encore hésitent. Ils ne veulent pas, disent-ils, donner un chèque en blanc à la politique libérale qui se prépare sous l'ère Macron. Ils rappellent que le vote ultra majoritaire donné à Chirac en 2002 n'a servi qu'à nous conduire au point où nous en sommes. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, on risque encore, disent-ils, de contribuer à la dérive inéluctable vers l'extrême-droite en semblant cautionner le seul candidat qui reste en lice contre Marine Le Pen. La notion même de Front républicain est jugée dépassée, obsolète et contre-productive, et peut-être l'est-elle effectivement, ce n'est pas le fait de s'aggriper à des fétiches qui nous aidera. Je vous en conjure, amis, parents, proches, étudiant-e-s, collègues, inconnu-e-s qui me lisez, peut-être par hasard, réfléchissez en conscience à la responsabilité qui est la vôtre. Demain, peut-être arrivera au pouvoir, grâce à votre vote, ou votre non vote, ou votre abstention, une candidate issue d'un parti qui représente tout ce que vous haIssez. Qui prône la haine de l'étranger, de l'immigré, et qui s'appuie sur les peurs provoquées par l'injustice et le chômage pour attiser la haine de l'autre, du prolétaire venu d'ailleurs. Pensez à la peur qui saisira tous ceux qui risquent le renvoi aux frontières ou l'exclusion. L'arrivée au pouvoir du  Front National fera sauter toutes les digues que la droite dite  classique et parfois même cette pseudo gauche, qui a osé proposer la déchéance de nationalité comme solution au terrorisme, ont déjà contribué à affaiblir en favorisant la  lepénisation des esprits. Dites-non clairement à la haine, même si cela vous coûte, comme moi, de mettre un bulletin Macron dans l'urne. Si cela peut vous aider, pensez à Brahim Bouarram, jeté dans la Seine le 1er mai 1995 par des militants du Front National, racistes et homophobes. Pensez au lourd passé judiciaire d'un grand nombre de membres de ce parti, jugés et condamnés pour  incitation à la haine d'autrui, racisme et antisémitisme, concussion, détournement de fonds. Le site Mediapart en a dressé une liste que vous trouverez facilement.  Le Front National n'est pas un parti comme les autres. D'autres combats seront à mener si Macron passe, mais  le 7 mai, dites clairement non à Marine Le Pen. Dites non à la haine.

25 mars 2016

L'horreur à Bruxelles

Lorsqu'on ne trouve pas les mots, on peut laisser parler le dictionnaire (le TLFi en l'occurrence) :

Horreur  : violent saisissement d'effroi accompagné d'un recul physique ou mental, devant une chose hideuse, affreuse. Synon. effroi (v. ce mot A), épouvante (v. ce mot A), panique, peur, terreur.

SYNT. Horreur indicible, inexprimable, instinctive, insurmontable, grandissante, infinie, panique, muette; angoissante, secrète, silencieuse, soudaine, véritable, vive horreur; accent, cris, exclamations, frisson, geste, mouvements, regards, signes, souffle, spasme d'horreur; degré, espèce, sorte d'horreur; image, impression, sentiment, scène, spectacle, vision d'horreur; horreur et angoisse, crainte, désolation, épouvante, malédiction, stupéfaction, stupeur, surprise, terreur; être abruti, béant, fixe, fou, frappé, ivre, muet, (r)empli, plein, blême, pâle, glacé, cloué, paralysé, pétrifié, saisi, stupéfait d'horreur; être étreint, gagné, pénétré par l'horreur; crier, se récrier, se dresser, s'écarter, reculer, frémir, frissonner, hurler, tomber, trembler, tressaillir, défaillir, s'évanouir d'horreur; causer, inspirer, éprouver de l'horreur; considérer, imaginer, regarder, voir qqc. avec horreur.

 

 

 

 

14 mars 2016

Des hauts et des bas

La nouvelle région Nord Pas de Calais Picardie devient la région Hauts-de-France. Il est à parier qu'aucune région ne revendiquera l'appellation Bas-de-France, sans parler même de celle de Cul-de-France, qui aurait eu un peu de sel rabelaisien. Ainsi se voit confirmé l'un des constats les moins discutables parmi ceux que rappellent Lakoff et Johnson dans leurs Métaphores de la vie quotidienne (Metaphors we live by, 1980, trad. Michel de Fournel,  Éditions de Minuit, 1986) : mieux vaut être en haut qu'en bas. 

14 mars 2016

Deux poids deux mesures

On est toujours sidéré de la manière de la partialité dont les grand médias font preuve quand il s’agit de rendre compte de l’actualité internationale, notamment dans cette triste rubrique des attentats qui devient notre lot quotidien. Hier, un attentat a fait  au moins trente six morts et d’innombrables blessés sur la place Kizalay, à Ankara, en Turquie.  Dans la même journée, en Côte d’Ivoire, un attentat a fait au moins seize morts dans une cité balnéaire. Les deux faits sont atroces. Sur France Inter, aux différents journaux du matin, les titres n’enregistrent que le second, le premier, quand il est évoqué, l’est très rapidement, à l’intérieur des journaux.  Sur le monde.fr, la première manchette titre : « Côte d’Ivoire : la cité balnéaire de Grand-Bassam plongée dans l’horreur terroriste » et sous une photographie  macabre « Un commando islamiste a abattu quatorze civils et deux soldats sur une plage au sud-est d’Abidjan. Six assaillants ont été tués, deux autres seraient en fuite ». L’annonce de l’attentat en Turquie est releguée au quatrième rang (on nous signale qu’il s’agit du troisième attentat à Ankara en six mois). Qu’est-ce qui explique une telle différence?  Le fait qu’il y a un Français parmi les morts de Côte d’Ivoire et qu’il s’agisse d’un lieu fréquenté par des étrangers? Le fait qu’on présume que l’attentat ivoirien aurait été commis par des islamistes alors qu’on impute le second au PKK et donc à des Kurdes? Je n’ai aucune sympathie pour le régime d’Erdogan. Les morts d’Ankara ne sont pas responsables des dérives de son régime.

9 févr. 2016

Expliquer n'est pas excuser (suite et fin)

Le  passage du discours d'analyse au discours de conviction est ténu, et fragile :  le savant ou l’expert doit simplement  signaler quand il passe du plan de l’analyse des faits au plan des convictions. La difficulté est que toute toute explication comporte également une dimension éthique, qu’il ne s’agit pas de récuser, mais comme dirait Sophie Wahnig, de « politiser » en montrant les conflits, les tensions ou contradictions qui l’habite. On peut ainsi échapper tout à la fois à une vision désincarnée et positiviste des sciences humaines et à un discours qui mime, même s’il s’en veut le contrepied, le discours des politiciens.

A Grenoble, le politologue, Olivier Ihl, a quant à lui utilisé d’un ton assez étonnamment polémique, quasi prophétique, signant le décès de l’actuelle République (disqualifiée dès sa naissance, puisque présentée comme assise sur un coup d’état), mais nous laissant un peu désarmés pour trouver les moyens de reconstruire quelque chose de neuf sous les décombres actuels. Expliquer n’est pas justifier. Mais l’incantation, le prophétisme, les visions à l’emporte-pièce ne nous aident pas non plus à dépasser le seuil des évidences.
Et si la linguistique pouvait aussi avoir un peu d'utilité sociale, par l'attention vigilante au sens des mots et à leurs effets sociaux qu'elle exige ? Par l'analyse précise des formes des discours et de leur diffusion dans l'espace social.? Il nous faut tous  contribuer à fonder ce discours de raison dans lequel peuvent non seulement se déconstruire les évidences, mais aussi se partager les analyses du réel et les propositions pour l’avenir.

9 févr. 2016

Expliquer n'est pas excuser (suite)

Lors des  « six heures »  organisées dimanche dernier par la mairie de Grenoble et animées par Mediapart, la dernière table ronde était consacrée au rôle des sciences sociales (histoire, sciences politiques, philosophie). Sophie Wahnig a présenté avec brio la discipline historique comme le lieu où peuvent se penser les conflits et les tensions du passé, et  comme matrice de la formation au débat démocratique. Son discours, brillant et convaincant, ne lui a pas permis cependant de d’éviter certaines formes d’implicite, liées à la polysémie, par exemple celle de l’adjectif politisée: plaider pour une « histoire politisée » ne signifiait aucunement, dans sa bouche, proposer une histoire de parti pris, fondée sur des a priori. Il s’agissait bien plutôtde refuser une version aseptisée de l’historicité, une histoire pseudo-objective, repliée sur l’événementiel, masquant les conflits, les enjeux économiques, sociaux, éthiques et politiques qui la traversent ou pire, passant certaines réalités sous silence (comme l’illustre en France le point aveugle de la réalité coloniale par exemple). Espérons que les spectateurs ont pu saisir ce sens re-construit du mot politisé. Bernard Lahire, avec le talent qu’on lui connaît, a continué sa défense et illustration des sciences sociales (voir blog du 14/01) en réaction à tous ceux qui considèrent que toute volonté d’analyse et d’explication, fondée sur l’histoire ou la sociologie, est déjà une forme de justification (par exemple du terrorisme). Il a montré que cette tendance à considérer toute  analyse comme une forme d’excuse était plus ancienne qu’il n’y parait (Jospin ou Guigou ayant déjà recouru à ce sophisme). Un point m’a gêné cependant : le passage progressif d’un discours d’analyse à un discours de conviction ; s’il est important d’accréditer le fait que les sciences sociales ont une expertise sur les sujets sociaux, il est nécessaire alors que les sociologues et autres spécialistes des sciences humaines et sociales fassent bien le départ, dans leur discours public, entre les conclusions étayées par l’analyse de faits empiriques, et celles qui sont fondées sur des convictions personnelles.

5 févr. 2016

La France est en émoi. Parce que la situation politique, sociale et économique est grave? Non, parce que la langue française perdrait son accent circonflexe. Cette nouvelle a fait le buzz toute la journée d'hier sur les médias, avec les réflexions attendues sur la baisse du niveau de l'enseignement que prônerait le ministère de l'éducation nationale.  Une des réflexions les plus symptômatiques émane d'un professeur de lettres classiques qui s'exprime ainsi : est-ce qu'en histoire il viendrait à l'idée de supprimer les dates des événements historiques pour faciliter l'apprentissage? Non, alors, pourquoi vouloir simplifier l'orthographe?  L'ensemble de ces réactions repose une nouvelle fois sur des informations partielles et erronées, qui déclenchent une tempête sans que l'on sache pourquoi : l'orthographe dite "rectifiée" a en fait été en fait entérinée depuis des lustres : le bulletin officiel du ministère de l'Éducation nationale hors série no 3, du 19 juin 2008, sous le ministère de Xavier Darcos (ministre de droite, par ailleurs professeur de lettres classiques) précise que « l'orthographe révisée est la référence »), et son usage  a été conseillé par le Haut Comité de la langue française (plus récemment suivi par l'Académie française), sans que ne soit pour autant remise en cause la possibilité d'utiliser l'orthographe traditionnelle.  Ce qui semble avoir déclenché la rumeur est le fait que les éditeurs scolaires, à leur tour, décident de suivre ce mouvement. La possibilité de toiletter l'orthographe a été utilisée par de nombreux pays dans le monde. Elle ne témoigne d'aucun souci de faire "baisser" le niveau d'exigence, sauf si l'on considère que l'apprentissage de bizarreries et d'incohérences léguées par l'histoire (et parfois fondées sur des étymologies fautives) est un trésor national. Ajoutons pour rassurer les amoureux de l'accent circonflexe que ce dernier garde un rôle, même dans l'orthograghe rectifiée. Ouf !

13 janv. 2016

Le rôle des sciences sociales

Je reproduis ci-dessous un extrait d'un article de Bernard Lahire «Il rompt avec l’esprit des Lumières», paru dans Libération, qui exprime parfaitement, de manière simple et sans pathos, ce que nous avons été nombreux à ressentir devant la volonté des politiques qui nous gouvernent de refuser toute tentative d'explication fondée sur la sociologie, le recul historique ou les considérations géopolitiques. Non, expliquer n'est pas justifier. Mais tenter de comprendre, cela peut aider à prévenir et à trouver des solutions plus efficaces que les gesticulations.

Il rompt avec l’esprit des Lumières

Par Bernard Lahire — 12 janvier 2016 à 17:11

En refusant de comprendre, le Premier ministre joue sur l’affectif et la sécurité au lieu de tenir un discours de raison,

Déclaration après déclaration, Manuel Valls manifeste un rejet public très net de toute explication des attentats de 2015. Il ramène toute explication à une forme de justification ou d’excuse. Pire, il laisse penser qu’existerait une complicité entre ceux qui s’efforcent d’expliquer et ceux qui commettent des actes terroristes. Il fait odieusement porter un lourd soupçon sur tous ceux qui ont pour métier d’étudier le monde social. Ce discours est problématique à trois égards.

Tout d’abord, le Premier ministre, comme tous ceux qui manient l’expression «culture de l’excuse», confond explication et justification. Il accuse les sciences sociales d’excuser, montrant par là son ignorance. Tout le monde trouverait ridicule de dire qu’en étudiant les phénomènes climatiques, les chercheurs se rendent complices des tempêtes meurtrières. C’est pourtant bien le type de propos que tient Manuel Valls au sujet des explications scientifiques sur le monde social. Non, comprendre ou expliquer n’est pas excuser. Nous ne sommes ni des procureurs, ni des avocats de la défense, ni des juges, mais des chercheurs, et notre métier consiste à rendre raison, de la façon la plus rigoureuse et la plus empiriquement fondée, de ce qui se passe dans le monde social.

 

7 déc. 2015

La mémoire courte

On s'est réveillé avec la gueule de bois en entendant le score faramineux du FN au premier tour des régionales. Non, bien sûr, tous ceux qui votent FN ne sont pas forcément antisémites, racistes, islamophobes. Pas forcément. Un peu sans doute quand même. Sous le discours lissé de Marine Le Pen, il y a  ces petits signes qui ne trompent pas et qui ramènent à une époque que l'on croyait révolue. Qu'est-ce qui peut faire que de "braves" gens votent pour ceux qui sont les héritiers de ceux qui ont écrit les pires pages de notre histoire? La réponse est trop simple: c'est toujours la même mécanique de la peur, du sentiment de dépossession lié à l'impression que "tout est décidé en haut" par des gens qui ne prennent pas en compte les problèmes quotidiens. Et puis, au moins pour certains (par ce que les beaux quartiers votent aussi FN), la misère, le chômage. Et puis le mensonge de tous ceux qui pour gouverner ont fait de beaux discours, oubliés dès le lendemain de l'élection. Il n'y a pas une seule cause à l'irruption fracassante du Front National dans les régions : il y a tout ce qui peu a peu a fait que l'on ne peut plus croire à rien, que l'on s'en remet à n'importe qui. On nous dit que le FN n'est plus vu seulement comme protestataire, qu'il incarne même aux yeux de certains, le vrai changement, alors que les airs qu'il entonne, dans des modulations variées, choisies selon les publics, sont des airs malheureusement trop entendus,  ceux qui se trouvent sur les disques de chants fascistes ou hitlériens vendus lors des meetings organisés par le père de Marine Le Pen. Marine Le Pen a rangé les disques de son père dans l'armoire, mais les airs, elle les connaît bien, et la nièce, sans doute encore mieux.

4 déc. 2015

Inquiétantes dérives

Que les socialistes français prennent la responsabilité de fouler aux pieds les principes républicains gravés dans la Constitution française montre à quel point de déliquescence nous nous trouvons à présent. La promulgation de l'état d'urgence était  nécessaire juste après les horribles attentats de novembre, nul n'en disconviendra. Qu'il ait été nécessaire de le prolonger était déjà plus que douteux, surtout lorsque cette prorogation permet d'empêcher l'expression publique d'associations ou de groupes qui dérangent mais qui animent le débat démocratique. Le pire est atteint lorsqu'au mépris de toute notre tradition républicaine, on veut instaurer et graver dans la constitution une distinction entre citoyens français en y inscrivant la possibilité de déchoir de leur nationalité française les bi-nationaux.  Hollande, qui a compris à quel point l'habit de chef de guerre lui profitait, est désormais prêt à tout pour gagner quelques points de popularité dans les sondages, y compris en proposant des dispositions démagogiques, inefficaces et dangereuses pour les libertés. Il nous faudra résister à ce mauvais vent. 

 

 

 

24 nov. 2015

Les oubliés de la république

Les 71 personnes délogées lors de l'intervention de la police dans la nuit de mardi à mercredi derniers, à la suite des attentats, dorment toujours dans un gymnase, faute de pouvoir rejoindre leur appartement. Il y a parmi elles des familles avec des enfants en bas âge. Aucune solution n'a été envisagée, et  comme d'habitude chacun se défausse. Le maire de Seine-Saint-Denis souligne à juste titre que c'est à l'état de trouver une solution pérenne. L'état n'envisage que des solutions provisoires. On ne peut s'empêcher de penser que si l'assaut avait eu lieu dans de beaux quartiers, on n'aurait pas laissé les habitants, qui ont vécu le traumatisme d'une journée  terrible, dans des conditions aussi misérables. 

15 nov. 2015

Attentats de Paris, suite

 

 

L'ancien juge anti-terroriste Marc Trevidic,  interrogé sur France Info ce dimanche 15 novembre, dit des choses intelligentes que certains hommes politiques feraient bien des méditer : tout en soulignant la force actuelle des groupes terroristes,  et la nécessité de se donner les moyens de les combattre, il met en garde contre les solutions simplistes prônées par certains : 

 "Le problème, c'est qu'il faut arriver à le faire intelligemment. C'est-à-dire sans créer des vocations djihadistes dans le monde, sans que ça leur apporte une sympathie. Il faut faire attention aux populations civiles qui n'ont rien à voir là-dedans. Il faut le faire avec des mains propres. Pas n'importe comment. Parce que ça peut avoir un effet contraire. Donc il ne faut pas les montrer comme victimes dans ce qu'on est amenés à faire sur le terrain. C'est là que ça devient très compliqué".

Ne pas faire n'importe quoi... C'est dans cette catégorie qu'il range les propositions d'internement des personnes qui font l'objet d'un signalement pour radicalisation islamiste, comme le demande Laurent Wauquiez : "Si on fait des camps d'internement, ce n'est plus une démocratie. Vous allez arrêter pleins de gens qui n'avaient aucune envie de faire des attentats pour en empêcher un. Que vont penser ces jeunes radicalisés ? Ils vont se dire que ce que dit l'Etat islamique est vrai : l'Occident nous en veut, regardez, ils nous mettent en prison même si on n'a rien fait. Et après vous en faites des recrues futures pour l'Etat islamique. Il ne faut pas créer des terroristes quand ils sont simplement sur la corde. Maintenant, si le seul projet qu'on a, c'est de faire des Guantanamo, il ne fallait pas dire aux Américains qu'ils faisaient n'importe quoi".

14 nov. 2015

Attentats à Paris

Hier soir et tard dans la nuit, nous entendons horrifiés les nouvelles des attentats commis à Paris : 125, 130 morts ... On ne connaît pas encore le nombre final des victimes, mais l'on sent qu'une nouvelle chape de plomb s'est abattue sur la France et que c'est précisément ce que veulent les terrorristes.  Ce samedi matin, France Inter donne la parole aux "experts" ou prétendus tels. J'en entends trois, universitaires, spécialistes ès terrorisme, et leurs discours s'annulent tellement ils sont contradictoires : l'un prétend que la violence terrorriste de cette nuit n'a rien avoir avec les conflits en cours au Moyen Orient. L'autre au contraire voit la racine du mal en Syrie. L'un dit que l'on s'en prend au modèle français de laïcité, l'autre dit que cela n'a rien à voir, et qu'il faut prendre du recul, avoir une vision internationale et se détacher d'une perspective  franco-française. Je ne me souviens plus de ce que dit le troisième. Ils sont tous très péremptoires, ayant travaillé durant des années sur ce sujet, qui n'en est pas un. La folie meurtrière, la haine sont de tous temps, et se cristallisent à certains moments, dans certains endroits. Et comment imaginer qu'à l'heure de la mondialisation l'Occident, dont la France puisse rester à l'écart des violences qui se déchaînent dans certaines parties du monde, faisant tous les jours des centaines de victimes, attisant les haines entre les communautés ? Et qu'est-ce qui fait, que chez nous, des centaines de jeunes - ou de moins jeunes -  soient sensibles à ces discours de haine?

9 nov. 2015

La « grammaire philosophique » vue par Ferdinand Brunot

Le linguiste Ferdinand Brunot lors d'une séance d'enregistrement d'une conversation en breton.

Source : gallica.bnf.fr / BnF. Ferdinand Brunot

 

Ferdinand Brunot, dans sa monumentale Histoire de la langue française, des origines à nos jours, consacre deux chapitres du tome VI, consacré au  XVIIIe  siècle à ce qu’il appelle la « grammaire philosophique ». Il y retrace le développement de la grammaire générale en marquant toute sa défiance à l’encontre d'une grammaire qui voudrait s’émanciper de la simple observation et de « l’enregistrement de l’usage ».  A cette époque, nous dit-il, « tout grammairien se sent ‘ métaphysicien’. Tout philosophe s’honore d’être peu ou prou grammairien » (p.899).  Il critique par exemple la notion de construction naturelle, développée par Dumarsais, qui veut retrouver cette construction naturelle, propre à l’ordre de la pensée même, jusque dans le langage figuré. Il se montre plus critique encore à l’encontre de Beauzée, qui, « le plus souvent (…) néglige les faits pour construire des systèmes, sauf à chercher ensuite la justification des systèmes dans les faits » (p..907).  Or, dit Brunot, « la métaphysique gêne l’observation des faits et la trouble. Eternel débat des empiristes et des rationalistes, la pièce se rejouera au vingtième siècle, entre les courants descriptivistes de la linguistique, issues du distributionnalisme, mais à l’inverse c’est de la critique du descriptivisme de Bloomfield puis Harris que renaîtra le retour d’une vision plus « philosophique », celle qu’imprimera Chomsky à travers la grammaire générative et transformationnelle, avant que les "linguistiques de l'usage" reprennent à nouveau des couleurs. 

8 nov. 2015

Una vita difficile, Italie, Dino Risi, 1961

Vu hier, grâce à La Cinetek, superbe initiative de réalisateurs indépendants qui mettent en ligne leurs films de chevet, un vieux film de Dino Risi que je ne connaissais pas, Une vie difficile , dans lequel Alberto Sordi incarne tous les courages et toutes les lâchetés de l'humanité. Le film, entrecoupé de de moments d'actualité, est aussi une fresque extraordinaire sur l'Italie de l'immédiat après-guerre, et préfigure, dans sa dérision, la descente morale des années fric et paillettes dans lesquelles nous nous trouvons.