11 janv. 2025

Ecouté Lola Lafon sur France Inter. J'ai  bien aimé ses remarques sur les "mots qui vieillisent à nos côtés" et sur le fait que "bon courage" remplace à présent souvent "au revoir". Son approche sensible du langage fournit un éclairage complémentaire aux analyses des linguistes. 

Je reproduis un extrait de son nouveau livre, écrit à partir du matériau de ses chroniques données au journal Libération :

« Les mots vieillissent à nos côtés. On s’y accroche comme aux années, on rechigne à les quitter, les mots, on voudrait les porter encore alors qu’on ne rentre plus dedans : terminé les « t’es pas cap », les « c’est pas moi c’est lui » de la cour de récréation.Ils nous passent comme une maladie, les mots. Ils nous émeuvent à la manière d’une photo retrouvée : oui, on disait « à donf » en 1998. Parfois, ils nous signalent les contours d’un horizon qui menace : celui de notre fatalisme las. On se l’était juré, pourtant, on ne serait jamais de ceux et de celles qui concluent une conversation d’un « c’est comme ça ». Et voilà qu’au lieu d’un « au revoir », on se souhaite quotidiennement « bon courage », cet aveu d’adulte brisé. Nous sommes cousus de mots qui ne sont pas à nous ; certains sont inestimables, nous les avons volés aux êtres qu’on a aimés en silence, en secret. Les mots nous sont intimes et collectifs à la fois, nous nous les partageons. »

Lola Lafon , « Il n’a jamais été trop tard », Editions Stock, 2025